Dans COMMENT FONTIONNE LE CERVEAU DE BÉBÉ, John Medina aborde cette question primordiale dans l'évolution d'un enfant. Pour certains parents, il faudrait absolument parler le plus normalement possible, sans infantiliser son langage. Mais que dit la science à ce sujet ? Qu'est-ce qui peut vraiment aider le cerveau de Bébé à avancer efficacement dans cet apprentissage de la parole ?
Réponse ci-dessous avec un extrait du livre.
Règle d'or : parlez beaucoup à votre bébé
Durant un temps qui nous a semblé interminable, nous avons été incapables de comprendre les paroles de notre fils Josh, âgé de 9 mois. À chaque fois qu’on l’emmenait en voiture, il prononçait le mot « dah », le répétant sans discontinuer pendant que nous l’attachions sur son siège auto. « Dah dah dah, big dah, big dah. » Nous ne parvenions pas à décoder son langage et nous contentions de répondre, un peu penauds : « Dah ? » « Dah ! » répétait-il d’un ton catégorique. Notre réponse, tantôt lui faisait plaisir, tantôt le laissait indifférent. Ce n’est qu’en roulant un jour sur l’autoroute par une belle journée ensoleillée que nous avons fini par comprendre.
Josh aperçut un avion qui allait atterrir et s’écria tout excité : « Ciel-dah ! ciel-dah ! » Ma femme comprit soudain : « Je pense qu’il veut dire avion ! » Elle lui demanda en pointant son index vers le ciel : « Ciel-dah ? » Josh répondit, tout aussi excité : « Ciel-dah ! » Quelques instants plus tard, un gros camion nous dépassa et Josh pointa du doigt dans sa direction en répétant : « Gros-dah, gros-dah. » Ma femme pointa aussi du doigt le gros camion qui s’éloignait. « Gros -dah ? » demanda-t-elle. Et Josh répondit avec enthousiasme : « Gros -dah ! » Puis « dah, dah, dah. » Nous avions compris. Dans son langage, « dah » signifiait « véhicule ». Nous ignorions pourquoi, mais c’était ainsi. Quinze jours plus tard, Josh et moi regardions un bateau passer depuis un pont. Je pointai l’index vers le bateau, croyant avoir deviné ce que mon fils allait dire. Je lui demandai, sûr de moi : « Eau-dah ? » Il se redressa, me fixant des yeux comme si je venais de la planète Mars. « Mouille-dah » me répondit-il, tel un professeur impatient s’adressant à un élève un peu lent d’esprit.
Il n’y a rien de plus amusant avec des enfants que d’essayer d’apprendre à parler leur langage. Et les encourager à apprendre le nôtre en donnant à manger à leur cerveau de grosses cuillerées de mots est l’une des meilleures choses à faire pour stimuler leur développement cérébral. C’est la conclusion de nombreuses études scientifiques. Alors parlez à votre enfant aussi souvent que possible.
Le lien entre la parole et l’intelligence a été découvert via des recherches assez indiscrètes. Dans le cadre d’une étude, des enquêteurs sont venus rendre visite à une famille tous les mois pendant trois ans pour y noter tout ce que les parents disaient à leurs enfants. Ils ont mesuré tous les aspects de la communication verbale – étendue, diversité et évolution du vocabulaire, fréquence des échanges
Le nombre de mots et leur variété sont importants
Plus les parents parlent à leurs enfants, même dès la naissance, plus les facultés linguistiques de ces derniers se développent rapidement. La référence est de 2 100 mots par heure. La variété des mots prononcés (noms, verbes et adjectifs employés, longueur et complexité des phrases) est presque aussi importante que leur nombre. Un échange positif compte aussi énormément. Vous pouvez renforcer l’apprentissage du langage par les échanges interactifs – regarder votre enfant, imiter son babillage, ses rires et ses expressions faciales, récompenser ses efforts par une attention soutenue. Les enfants dont les parents leur parlaient régulièrement en employant un vocabulaire suffisamment étendu et qui échangeaient constamment connaissaient deux fois plus de mots que ceux dont les parents leur parlaient rarement. Lorsque ces enfants ont entamé leur scolarité, ils ont appris à lire et à écrire beaucoup plus vite et beaucoup mieux que les autres. Même si les bébés ne répondent pas comme des adultes à ce que vous leur dites, ils vous écoutent et c’est bon pour eux.
Parler à son enfant augmente son QI
Parler à ses enfants dès leur plus jeune âge augmente également leur QI, même après la prise en compte de variables importantes tel que le niveau de revenus du foyer. À l’âge de 3 ans, les enfants qui avaient des parents qui leur parlaient régulièrement (dit « le groupe loquace ») affichaient un QI 1,5 fois plus élevé que ceux qui avaient des parents qui leur parlaient rarement (dit « le groupe taciturne »). D’où leurs meilleures notes à l’école.
N’oubliez pas que le cerveau de votre bébé a besoin de communiquer avec une personne en chair et en os, alors préparez-vous à faire travailler vos cordes vocales ! Pas votre lecteur DVD portable, pas le son de votre téléviseur, mais vos cordes vocales.
Quoi dire et comment le dire ?
2 100 mots par heure peuvent vous sembler beaucoup, mais il s’agit en réalité d’un débit moyen. En dehors de son travail, un individu entend ou voit environ 100 000 mots par jour. Alors inutile de vous lancer dans un marathon de la parole en vous obligeant à parler à votre bébé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La stimulation excessive peut être tout aussi néfaste au développement cérébral que la stimulation insuffisante et il est important de prêter attention aux signes de fatigue chez votre bébé. Mais si vous lui parlez raisonnablement, sachez que tout peut être prétexte à communiquer verbalement. N’ayez pas peur de paraître ridicule. « Maintenant, nous allons changer ta couche », « Regarde le bel arbre ! », « Qu’est-ce que c’est, dis ? » Vous pouvez même compter les marches à haute voix en montant un escalier. L’essentiel est de prendre l’habitude de lui parler.
La façon dont vous parlez à votre enfant a également son importance. Imaginez cette scène tirée d’un DVD pédagogique conçu par le Talaris Research Institute dont je fus le directeur :
Des amis confortablement installés dans un canapé sont en train de regarder un match de football à la télé, se passant un bol de pop-corn, les yeux rivés à l’écran. Un bébé joue dans son parc un peu plus loin dans la même pièce. À un moment important du match, l’un des hommes sur le canapé crie à l’un des joueurs : « Vas-y, tu peux le faire, tu peux réussir, allez, montre-leur de quoi t’es capable ! » Finalement, c’est l’équipe soutenue par cette bande de copains qui remporte la première mi-temps. Ils bondissent du canapé, sautent sur place et hurlent de joie. Le bruit qu’ils font dérange le bébé qui se met à pleurer dans son parc. Le gros costaud de la bande semble être le père. Il accourt vers le nourrisson, le prend dans ses bras et lui murmure d’une voix haut perchée pour le rassurer : « Hé, petit, tu veux te joindre à nous ? » Les copains sur le canapé se regardent, étonnés. « Regardez-moi ce petit bonhomme, c’est le petit bonhomme à son paaapaaa ! » continue le père de sa voix chantante. « Comment te sens-tu, mon trésoooor ? Tu as faim ? Miiiaaam Miiiaaam ? On va aller se préparer de délicieuses spagheeettiiii ! » Il se dirige vers la cuisine. Ses copains le regardent s’en aller, incrédules. Le match reprend, le père est en cuisine, toujours en train de parler à son fils, ravi.
Voilà un beau témoignage des effets hypnotiques qu’un bébé peut avoir sur un papa attentif. Mais qu’avez-vous remarqué dans la voix de ce papa poule ? Il s’avère qu’aux quatre coins du monde, tous les parents parlent à leurs bouts de chou de cette manière. Ils parlent le « parentais ».
La « langue des parents » se caractérise par une voix chantante, un ton aigu et des voyelles appuyées. Bien qu’ils n’aient pas toujours conscience de parler à leur bébé de cette manière, ils contribuent, en réalité, à son apprentissage. Pourquoi ? Parce qu’il est beaucoup plus facile pour un enfant de comprendre quelqu’un qui parle lentement. Le prolongement des voyelles permet à l’enfant de mieux les distinguer les unes des autres et donc de mieux faire la différence entre les mots qu’il entend. La voix mélodieuse contribue aussi à une meilleure distinction entre les sons. Quant au ton aigu, il peut aider l’enfant à imiter les caractéristiques du langage parlé. Après tout, avec un larynx quatre fois plus petit que le nôtre, il ne peut pas produire autant de sons, et les seuls qu’il peut produire au départ sont aigus.
Quand devez-vous commencer à parler à votre bébé ? Nul ne le sait vraiment, mais le plus tôt sera le mieux. Les tout-petits sont capables d’interagir avec les adultes 42 minutes après leur naissance. Et les nourrissons qui ne savent pas encore parler traitent beaucoup d’informations verbales, même s’ils ne donnent pas toujours l’impression de les recueillir. Il semble même bon de lire des histoires à un bébé de 3 mois, surtout si vous le tenez contre vous et lui permettez de communiquer avec vous.
Le psychologue de l’éducation William Fowler a formé un groupe de parents à parler à leurs enfants fréquemment et d’une façon particulière, selon certains des principes mentionnés ci-dessus. Les enfants en question ont prononcé leurs premiers mots entre 7 et 9 mois, certains même des phrases entières à 10 mois. Ils avaient acquis la plupart des règles de grammaire de base à l’âge de 2 ans, alors que les cas témoins ne faisaient preuve d’une maîtrise similaire qu’à 4 ans. Des études à plus long terme ont montré que ces enfants travaillaient très bien à l’école, notamment en maths et en sciences. À leur entrée au lycée, 62 % d’entre eux ont suivi un programme intensif ou pour enfants surdoués. Certains aspects majeurs du programme de formation de Fowler doivent faire l’objet d’études plus poussées, mais les résultats de ses travaux sont ahurissants. Ils confirment que des parents qui parlent beaucoup à leur bébé « fertilisent » ses neurones.
Autrement dit, le langage verbal participe à l’élaboration d’un terreau de qualité pour le cerveau en développement de l’enfant. En grandissant, il réclame d’autres nutriments, dont les jeux qu’il invente tout seul. L’histoire suivante en est un parfait exemple.
Extrait de COMMENT FONTIONNE LE CERVEAU DE BÉBÉ, de John Medina
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