Ce qui compte lorsqu'on veut réussir, c'est de saisir les opportunités quand elles se présentent. Cette capacité permet alors de "transformer le vil métal en or", selon l'expression de Robert Greene, c'est-à-dire de faire d'une situation critique une source d'enrichissement et de succès.
Puisque nul n'explique aussi bien que les auteurs eux-mêmes, laissons Robert Greene et 50 Cent nous montrer comment ce principe fut mis en pratique par le rappeur lui-même au cours de sa vie.
EXTRAIT
Si l’on survit obstinément à ce que la vie peut apporter de pire,
on finit par dominer la peur de ce que la vie peut apporter.
James Baldwin
« Cela faisait plus d’un an que 50 Cent travaillait sur Power of the Dollar ("Le Pouvoir du dollar"), qui était censé être son premier album ; finalement, au printemps de l’an 2000, celui-ci fut prêt à être lancé par Columbia Records. Cela représentait pour Fifty tous les combats qu’il avait livrés dans les rues et il avait l’espoir que ce disque allait constituer un tournant décisif dans sa vie. Mais au mois de mai, quelques semaines avant le lancement, un tueur à gages le cribla de neuf balles alors qu’il était assis à l’arrière d’une voiture ; une balle, qui lui traversa la mâchoire, faillit le tuer.
En un instant, tout l’élan acquis fut stoppé net. Columbia annula la sortie de l’album et rompit son contrat avec Fifty. Il y avait trop de violence associée à cet artiste : c’était mauvais pour les affaires. En quelques coups de fil, il fut clair que tous les labels étaient du même avis : c’est toute une industrie qui le blackboulait. Un dirigeant lui dit carrément qu’il lui faudrait attendre au moins deux ans avant de pouvoir songer à ranimer sa carrière.
Cette tentative de meurtre était le résultat d’un différend qui avait surgi à l’époque où il était dealeur. Les tueurs ne pouvaient se permettre de le laisser vivre et ils allaient essayer de finir ce qu’ils avaient commencé. Il fallait que Fifty garde profil bas. Mais pour le moment, il n’avait pas d’argent et était dans l’incapacité de retourner dans la rue pour y vendre de la drogue. Beaucoup de ses amis, qui avaient espéré être associés à son succès de rappeur, se mirent à l’éviter.
Alors qu’il se voyait déjà riche et célèbre, quelques semaines suffirent pour lui faire toucher le fond du trou. Et aucune solution pour s’en sortir ne semblait en vue. Était-ce là la fin de tous ses efforts ? Il aurait mieux valu qu’il meure ce jour-là, plutôt que de se sentir si impuissant. Tandis qu’il gisait sur son lit chez ses grands-parents, se remettant de ses blessures, il écouta beaucoup la radio et ce qu’il y entendit lui donna un énorme optimisme. L’idée commença à faire son chemin en lui que cet attentat était en fait une bénédiction et que, s’il y avait survécu, c’était pour une bonne raison.
La musique serinée à la radio était un produit conditionné bien léché. Même les morceaux les plus agressifs, comme le gangsta rap, étaient bidons. Les paroles ne reflétaient rien de la vie dans la rue telle qu’il la connaissait. Cette façon de vouloir la faire passer pour authentique et urbaine le mettait dans une rage insupportable. Ce n’était donc pas le moment pour lui de se montrer peureux et déprimé, ni d’attendre quelques années que toute la violence qui l’entourait s’éteigne. Il n’avait jamais été un "gangsta" de studio, et il avait neuf balles dans le buffet pour le prouver. Le moment était venu d’exprimer sa colère et ses sombres émotions dans une puissante campagne qui ferait trembler le hip-hop sur ses fondations.
Quand il était dealeur, Fifty avait appris une leçon essentielle : dans les quartiers, l’accès à l’argent et aux ressources est sévèrement limité. Un dealeur doit transformer le moindre événement et l’objet le plus insignifiant en moyens pour faire de l’argent. Même la pire calamité qui vous frappe peut être transformée en or si vous êtes assez malin. Sa situation n’était pas brillante. Peu d’argent, pas de relations, sa tête mise à prix. Tout cela pouvait être retourné en son contraire : des avantages et des opportunités. Telle était la façon dont il entendait aborder les obstacles apparemment insurmontables qui encombraient son chemin.
Il décida de disparaître quelques mois et, caché chez différents amis, il commença à revivre et à refaire de la musique. Sans grand chef à qui complaire ni à propos de qui se tourmenter, il pouvait pousser paroles et musiques aussi loin qu’il le voulait. La balle qui lui avait frappé la langue avait changé sa voix : elle était devenue sifflante. Le simple fait de bouger la bouche lui faisait mal, il était donc obligé de faire un rap plus lent. Au lieu d’essayer de revenir à la normale et de rééduquer sa voix, il décida de transformer ce défaut en qualité. Désormais, son rap serait plus posé et menaçant. Le sifflement dans sa voix rappellerait aux auditeurs qu’une balle lui avait traversé la mâchoire. Il allait même insister sur ce point. »
EXTRAIT de LA 50e LOI, de Robert Greene et 50 Cent
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