Extrait du prologue
IL ÉTAIT UNE FOIS… une jeune femme.
Nullipare, la jeune femme…
La jambe fine, la jarretelle froufroutante, elle était gaie, insouciante, amoureuse avec son mari, respectueuse avec sa mère, attentionnée avec sa belle-mère (sa belle-mère ? Une amie !).
Puis cette jeune femme procréa.Et c’en fut fini té la rigolate…
Comme dirait la célèbre philosophe Conchita Lao Tseu :
« Y’a pas, hein, un enfant, ça vous change une femme. »Est-ce une question d’hormones ? De montée de lait ? D’abus soudain de dessins animés ? Y aurait-il des dérivés d’amphétamines dans les crèmes anti cellulite ?
Toujours est-il qu’une fois qu’elle a enfanté, qu’elle a mis bas, qu’elle a vêlé (toi aussi trouve des expressions poétiques), l’arrondisseuse d’angles devient carrée ; la carrée devient coupante ; la coupante devient incisive ; l’incisive devient sulfateuse, la sulfateuse… (on n’a pas que ça à faire, non plus !).Et la voilà qui se transforme en furie de la maternité, en pitbull maniaco-dépressif, en bouffeuse de belle-doche (aussi appelée brute de bru), en régleuse de comptes familiaux, en mémère avachie (ou se considérant comme telle), en porteuse de culottes en coton-vu-qu’elle-possède-la-carte-Petit-Bateau-et-que-ce-serait-vraiment-trop-bête-de-ne-pas-profiter-des-réducs.
Tout la gonfle.
Elle déteste les fumeurs, les pollueurs, les casseurs d’oreilles.
Plus le droit de rire sous ses fenêtres.
Plus le droit de goudronner dans sa rue.
Sous prétexte que quoi ? Que ça peut réveiller LE BéBé !
Et la voilà qui insulte le pauvre ouvrier qui a eu l’audace de s’amuser avec son marteau-piqueur juste à l’heure de la sieste. Alors que quelques mois auparavant, entre nous, elle n’aurait pas été la dernière à s’extasier sur ses muscles ruisselants de sueur…
C’est bien simple, elle ne respire plus que par les poumons de son enfant, ce petit vampire suceur d’insouciance, ce minus hypocrite qui cache bien son jeu sous ses grands yeux candides et ses couches toutes gonflées.Mais qu’est-ce qui lui prend, à cette petite a-dorâââ-ble, que votre fils avait mirâââculeusement dégotée (malgré son caractère pas facile-facile, il faut bien le reconnaître) ? Pourquoi pince-t-elle les lèvres à chaque fois que vous émettez un simple avis sur l’éducation de son enfant ? Son enfant qui est quand même, rappelons-le, avant tout, VOTRE petit-enfant !
Mais qui est donc cette femme dans votre lit ? À qui appartient cette silhouette alourdie, ce front préoccupé ? Est-ce toujours votre Betty Boop, votre Poupoupidou insatiable (que même parfois, entre nous, c’était lourd) rencontrée un beau soir au Macumba de Lons-le-Saunier ? Où peut bien se trouver son petit… tralala, tout petit… tralala ? Mais c’est quoi cette espèce d’exaltée qui vous demande de chauffer un petit pot carottes en plein coup de feu de midi ? « Attention, 45 secondes, pas plus, le micro-ondes… »
Et que je te laisse ces trucs, là, ces « lingettes » dégueulasses, dans la tasse à café ! Ce n’est tout de même pas la petite bombe hilare qui se pintait à la bière le jeudi soir, avec ses copines d’aquagym… Ah ! Elle avait bon dos, l’aquagym…Vous ne la reconnaissez plus, cette (au choix) ex-amante / ex-fille / ex-cliente si charmante, cette Perrette à la jambe (voire à la cuisse) si légère ?
Eh bien ! Vous savez quoi ? Elle non plus, elle ne se reconnaît plus.
Gaëlle Renard
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